La frégate de la Liberté : l’Hermione. De leur fabuleux périple, ils gardent nombre d'"images" et de "moments" inoubliables, mais aussi une meilleure connaissance d'eux-mêmes : à Bordeaux, dernière escale de "L'Hermione" avant son retour à Rochefort, les volontaires de la frégate sont comblés de s'être surpassés.
S'il ne devait conserver qu'une image de son voyage de quatre mois à bord de la réplique du bateau de La Fayette parti en 1780 soutenir les insurgés américains contre la Couronne britannique, Nicolas, 44 ans, garderait celle-ci: "Une quarantaine de baleines nageant autour de L'Hermione à Cape Cod aux États-Unis". "Magnifique!".
Pour les deux "gabiers", comme pour les quelque 150 autres volontaires (27 ans de moyenne d'âge) qui se sont relayés à bord, l'expérience vécue sur "L'Hermione" au terme de 11.000 miles en quatre mois, a forcément été hors du commun: "Je suis contente, au sens fort de contentement", témoigne Aurore, qui a quitté son "travail de bureau" comme traductrice à Montréal pour embarquer.
"Comblé", renchérit Nicolas, cordiste de profession, qui avait participé pendant quatre ans au chantier de construction à Rochefort (Charente-Maritime), avant de se porter volontaire "car je ne pouvais pas ne pas y aller".
Après 27 jours de navigation depuis les Canaries, l'arrivée aux Bermudes, avant les États-Unis, a marqué les esprits. "C'était la concrétisation de la traversée de l'Atlantique!", raconte la jeune femme, car "lorsque tu es en bateau, il n'y a que sur la carte que tu sais que tu te déplaces". Après la douzaine d'escales aux États-Unis et au Canada, puis une halte à Saint-Pierre-et-Miquelon, le retour en fanfare à Brest, il y a dix jours, a été particulièrement émouvant. "Quand est arrivé le moment de chanter sur le pont, on a pu se lâcher et laisser éclater notre joie", raconte Nicolas.
Du lundi 10 août au lundi 17 août 2015, le quai Malbert à Brest vit au rythme de L'Hermione et le public est nombreux à profiter de la venue de la frégate dans le port de commerce. Chaque jour, les visiteurs accèdent à bord à la rencontre des gabiers présents sur le pont pour partager leur expérience de navigation. Malgré une météo changeante, le village sur le quai ne désemplit pas. Bagadoù et groupes de chants de marins, crieuse publique et comédiens se succèdent pour animer le site.
Après la relève d'équipage, c'est une relève de bénévoles qui a eu lieu pendant cette escale. Pendant toute l'escale, une vingtaine de bénévoles de l'association Hermione-La Fayette se sont mobilisé sur site pour seconder l'équipage dans l'accueil du public. Ils font découvrir le projet au grand public, apportent des explications sur le fonctionnement des canons à l'aide d'une maquette taille réelle et assurent la vente des produits dérivés dans la boutique officielle de L'Hermione. Pour tous, les journées sont longues mais riches en partage avec les visiteurs qui réservent à la frégate un très bel accueil. Les membres d'équipage en repos décompressent après une transatlantique intense, visitent l'Abeille Bourbon ou le Musée de la Marine, et les locaux retrouvent leurs proches. Certains embarquent pour quelques heures de balade en mer sur des bateaux de patrimoine, rassemblés à quai à côté de L'Hermione. La Recouvrance, bateau emblématique de Brest, était présente en début de semaine avant de partir pour Paimpol.
C'était le grand jour pour la réplique de l'Hermione, frégate sur laquelle La Fayette rallia les insurgés américains en 1780. Au terme d'un chantier titanesque de dix-sept années, le trois-mâts s'est élancé pour la première fois, dimanche 7 septembre 2014 pour mouiller dans les eaux de l'Atlantique, salué par des dizaines de milliers de spectateurs. Sorti dans la nuit de sa cale de construction pour rejoindre le port de commerce de Rochefort (Charente-Maritime), il a pris la direction de l'île d'Aix, au large des côtes du département. Pour cette première navigation, la réplique était parée de ses gréements, mais sans la totalité de ses voiles ni de sa mâture, en partie démontée pour passer sous le viaduc de la Charente.
Avant de baigner dans les eaux de l'océan Atlantique, des dizaines de milliers de spectateurs massés sur les rives la saluaient lors de sa descente au moteur de la Charente, accompagnée de 120 bateaux, dont une cinquantaine de vieux gréements. A son passage devant l'arsenal de Rochefort où elle a été construite, un coup de canon a été tiré et les matelots massés sur le pont lançaient des « hourras » sous les applaudissements d'une foule compacte.
En dix-sept ans, la construction du navire – 65 mètres de long, 47 mètres de haut et 1 200 tonnes au total – a mobilisé des artisans de plusieurs pays, ainsi que des dizaines de bénévoles. Les plans du navire ayant disparu, il a fallu rechercher ceux du « navire-jumeau » de l'Hermione et travailler sur la base des rares peintures de la frégate, coulée en 1793.
« FRÉGATE DE LA LIBERTÉ » - Représentant le gouvernement, la ministre de l'écologie, Ségolène Royal, ancienne présidente de la région Poitou-Charentes, a déclaré qu'en ce jour « le rêve devient réalité » et, saluant « la frégate de la liberté », elle a cité le marquis de La Fayette : « Pour que vive la liberté, il faudra toujours que des hommes se lèvent et secouent l'indifférence et l'indignation. » L'académicien Erik Orsenna, président du Centre international de la mer, s'est dit « fier d'avoir contribué à ce projet dont la France avait besoin ». Selon lui, l'aventure de la construction de cette réplique « démontre que le patrimoine ne nous scotche pas dans le passé, mais nous projette dans le futur ». Pour Yann Cariou, ex-officier de marine de 57 ans, qui prendra le commandement de la frégate pour la traversée jusqu'à Boston aux Etats-Unis, la première sortie sera surtout « l'occasion de voir comment réagit le navire et d'apprécier ses qualités manœuvrières ». En savoir plus sur: http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/09/07/l-hermione-la-fregate-de-la-fayette-goute-enfin-le-large_4483330_3244.html#VU7UeuZSaUjGWTOy.99
L'Hermione est un navire de guerre qui a navigué pour la Marine française de 1779 à 1793. C'est sur ce bateau, en 1780, que le marquis de La Fayette a rejoint les insurgés américains qui luttaient pour leur indépendance. Il sombra en 1793 au large du Croisic (Loire-Atlantique) à la suite d'une erreur de navigation. Une réplique de L'Hermione a été réalisée à partir de 1997 à Rochefort (Charente-Maritime). Mise en service en 2014, elle est partie pour les Etats-Unis le 18 avril 2015, depuis l'île d'Aix. Elle est arrivée le 5 juin 2015 à Yorktown, où les troupes américaines et françaises remportèrent le 19 octobre 1781 une bataille décisive contre les Anglais. Elle a fait une dizaine d'escales, notamment à Philadelphie et à Boston.
Le bateau est un trois-mâts de 65 mètres, dont la coque mesure 44,20 mètres de long pour une largeur de 11,20 mètres. La réplique de L'Hermione aura nécessité la fabrication de 25 kilomètres de cordage, 1.000 poulies, 2.200 m2 de voilure, un mât de 54 mètres de haut, 32 canons, une ancre de 4 mètres de haut, pour une masse totale de 1.200 tonnes.
Dans quel contexte historique et géopolitique se construit L’Hermione ?
L’Hermione s’inscrit dans un contexte de profondes rivalités entre la France et l’Angleterre. La France vient de perdre la guerre de Sept ans (1756-1763) pendant laquelle elle a perdu le Canada et des colonies d’Amérique du Nord. Mais sur le plan économique, elle s’en sort très bien. La France se reconstruit sur le plan maritime et international. On va sans nostalgie abandonner l’attachement pour l’Amérique continentale et privilégier les Antilles pour relancer le commerce. On va jouer la carte du sucre, de l’indigo et du café, plutôt que de la fourrure, du bois et de la pêche. Sur le plan politique, on a beaucoup de mal à faire face aux humiliations perpétrées pendant la guerre de Sept ans.
De leur côté, les treize colonies anglaises d’Amérique du Nord vivent un conflit armé avec l’Angleterre. Elles vont réclamer leur indépendance par la déclaration d’indépendance publiée le 4 juillet 1776 à Philadelphie et qui donnera lieu à l’expression « Etats-Unis d’Amérique ». Pour y parvenir, elles demandent à la France de les aider. Ce qui est assez inédit. Louis XVI est un roi absolutiste. L’idée d’aider un peuple n’est pas une évidence pour lui. Mais l’opinion publique s’enflamme. On est au siècle des Lumières. L’idée qu’un peuple se soulève contre son roi est une idée qui fait son chemin.
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