Rencontre avec Johnny Galliou, goémonier à pied à Plouguerneau. Que récoltez-vous aujourd'hui et comment choisissez-vous le type d'algues ? La dulse ou palmaria, une algue alimentaire, se récolte à la main. Très riche en protéines, elle est séchée pour être consommée en paillettes, dans des condiments, ou fraîche (par exemple pour la nourriture des ormeaux). Je suis professionnel. C'est mon métier depuis toujours.
Mon grand-père était goémonier et, dans ma famille, cela remonte à six ou sept générations. Nous sommes trois à travailler pour la SARL Bezhin Du, qui vend ses algues à différents clients industriels, comme Cargill, Agrimer, Setalg, Danisco. A chaque marée, nous faisons un point et nous allons récolter le type d'algues demandé. Nous récoltons par exemple environ 700 à 800 tonnes de fucus par an.
Comment se déroule votre journée de goémonier à pied ? Johny Galliou : « C'est un métier très physique. Pour le goémon noir, nous récoltons les algues environ quatre à cinq heures par jour, à la faucille, un peu moins pour les algues alimentaires - deux-trois heures -, car il faut attendre que la marée soit plus basse. »
Il faut ensuite faire sécher les algues, sur la grève quand il y a une petite marée, sinon nous les ramenons à terre. C'est un métier régulier, avec un avenir certain, car la demande pour le marché alimentaire et pharmaceutique est en pleine explosion. L'activité se professionnalise, et il ne faut surtout pas reproduire les mêmes erreurs que le secteur de la pêche. La ressource n'est pas inépuisable.
Que peut-on dire sur la préservation de la ressource ? L'ascophillium (goémon noir) est une algue à croissance très lente. Il faut mettre les zones en jachère, car les coupes anarchiques vont définitivement épuiser la ressource. Nous travaillons avec Ifremer et les comités locaux de pêche pour la réglementation du secteur.
Depuis un an, il faut une autorisation nominative délivrée par les affaires maritimes pour ramasser le goémon à pied. Ceux qui l'obtiennent doivent remplir tous les mois des fiches de pêche qui permettront de faire un point sur la ressource.
Redévelopper la récolte du pioka traditionnelle sur la côte nord, telle est la volonté de Johnny Galliou et Catherine Guého. C'est en partenariat avec le Conservatoire du littoral, qui a octroyé l'autorisation de séchage du pioka sur les dunes de la Grève-Blanche, la mairie de Plouguerneau pour les parcelles à Kerazan et la société Penn ar Bed qui achète le goémon humide aux équipes récoltantes, que Johnny Galliou s'est lancé, histoire de faire renaître cette tradition estivale disparue depuis quelques années.
Séché à même la dune. Sur la dune de la Grève-Blanche, on peut voir les sacs que les récoltants de la mer apportent. Pesé, étalé, blanchi sur la dune grâce à l'humidité ou par arrosage par temps sec et séché en plein air, ce pioka. Pioka d'une excellente qualité, d'après la société Setalgues à qui est destinée cette récolte, apporte des touches de couleurs à la dune, avant d'être récupéré par l'entreprise Penn ar Bed pour la mise en bottes (20 kg) qui seront apportées à la société Setalgues (cosmétique).
L'hiver, ce sont fucus et ascophyllum qui sont récoltées (1.200 tonnes) et l'été, sept à dix tonnes de pioka sont récoltés par quatre à huit équipes de récoltants par marée, déclarées à la Penn ar Bed, à Kersaint-Plabennec.
Au pays des Abers, entre terre et mer, on suit la trace des paysans goémoniers, récolteurs d'une ressource insoupçonnée : le goémon, l’or noir de la Bretagne. A l’Écomusée de Plouguerneau on apprend qu’on ramasse du goémon, mais pour quoi faire ? Séché et brûlé, il servait d’engrais pour les cultures. « Avez-vous entendu parler de la teinture d’iode, ce puissant antiseptique découvert en 1811 ? »
Napoléon a fait construire des usines en Bretagne pour extraire l’iode des laminaires: 25 tonnes de laminaires cueillies c’est au final 15 kg d’iode ! Imaginons le nombre de bras à ramasser ce gisement de la mer. Peu à peu, les goémoniers ont investi les îles voisines. Ils partaient pour six mois de moisson. Début mars, ils embarquaient avec la charrette démontée et le cheval ! Leur toit, une fois à terre ? Une coque de bateau retournée ! Incroyable aujourd’hui !
Une cinquantaine de goémoniers moissonne toujours dans les champs marins de laminaires ! La modernisation est passée par là. Leur bateau est équipé d’un scoubidou hydraulique.
Et désormais, que fait-on du goémon ? Le flan que je mange et mon dentifrice en contiennent. Les alginates employés dans l’industrie agroalimentaire, en médecine et en cosmétologie sont extraits des laminaires.
Le goémon donné hier aux vaches est aujourd’hui à la pointe de la modernité. La gastronomie en est friande. Sur près de 700 espèces, une dizaine est comestible. Le lichen des mers ou pioka en breton : gélifiant dans la confiture.
Nous poursuivons notre promenade, embrassant d’un regard un paysage saisissant. Je repense à cette journée de rencontres.
Je reste impressionné par la volonté des hommes à vivre sur cette terre et par leur ingéniosité à récolter et transformer le goémon, l’or noir de Bretagne.
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