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2 mars 2015 1 02 /03 /mars /2015 19:30

Sous de dehors modestes d’un petit bourg qui n’était autrefois qu’une trève (annexe) de Sizun, Locmélar porte aussi la marque de riches paysans-marchands de toile : par exemple Jacques Soubigou, dont le testament révèle des relations d’affaires avec Josselin, Moncontour ou Rennes. Pour dire sa réussite et célébrer son saint patron, l’enclos emprunte le même langage que ses prestigieux voisins. Mais il sait toujours le transposer à son échelle ; et pour cela sans doute, il touche davantage encore.

La vue d’ensemble, depuis la place, ici ne trompe pas : tout ici paraît proportionné au lieu, depuis la flèche du clocher jusqu’à la sacristie-miniature dont la toiture en carène reprend le modèle de Sizun. Depuis la démolition du petit ossuaire en 1920, le profil aérien du calvaire (vers 1600) se détache sur le fond de la vallée. Les deux traverses portent, dans un défi d’équilibre, le Christ, les larrons, les cavaliers, quatre statues géminées, une Pieta et le jeune prince Mélar. La réussite en revient au sculpteur qui, peu après, réalisera le grand calvaire de Plougastel-Daoulas. A ses côtés, le petit porche Renaissance excelle dans le registre délicat de la réduction : colonnes baguées et fronton, apôtres et dais, voûtes d’ogives et restes d’ocres jaunes et rouges, banquettes de pierre pour les notables…, tout y est, à la mesure du lieu (1664).

trois enclos paroissiaux remarquables
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L’intérieur de l’église prolonge le charme. Les fonts baptismaux et les bannières anciennes disent l’autonomie de la trève, obtenue par les habitants en 1612. La totalité du Chœur est tapissé de trois retables d’une grande richesse. Celui du maître-autel (vers 1675) célèbre bien sûr l’Eucharistie ; mais tout autant la vie et le martyre de saint Mélar, car la paroisse vient d’obtenir des reliques de l’enfant aux prothèses d’argent. Si le terme de baroque paysan a un sens, c’est peut-être ici, dans l’inimitable saveur du retable de saint Hervé et les angelots joufflus de la voûte bleutée.

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Saint Laurent : Diacre Martyre – fête le 10 août. Jeune diacre brûlé vif à Rome en 258. Comme on voulait lui arracher le secret des « richesses » de l’Eglise, il répondit en montrant des miséreux : « Voilà les richesses de l’Eglise ; ils convertissent nos aumônes en trésors impérissables ! ». ---------------------------------- -------------------

Saint Hervé ; moine breton (VIe siècle) ; N’ayant jamais vu la lumière du jour (aveugle) eut de son vivant la vision béatifique qu’il raconte dans le cantique : « Jezuz Pegen bras’ ve » ou Cantique du Parradis. Patron des bardes et des musiciens – Saint Hervé est représenté avec son guide (Guiharan) et le loup domestiqué qui remplace l’âne, qu’il a dévoré.

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Guimiliau : l’opulence villageoise.

A Guimiliau, l’opulence toilière s’est coulée dans le cadre d’un petit bourg : l’entrée de l’enclos se veut modeste, l’église reste d’élévation réduite et tient à garder son petit clocher gothique. Le faste, et malgré tout une certaine simplicité villageoise : la clé, sans doute, de la séduction qu’exerce l’enclos de saint Miliau.

Le faste, c’est d’abord le grand calvaire (1581-1588), dont les quelques 200 personnages relatent la vie du Christ, de l’Annonciation à la Résurrection. De tous ses contemporains, c’est à coup sûr le plus théâtral : la Passion est ici un drame qui se joue en tenue d’époque, comme dans les systèmes auxquels la population participait à la fin du XVIe siècle. Sur la plate-forme, un prédicateur pouvait monter pour commenter les différentes scènes. Et à son pied, les habitants déposaient leurs offrandes, nécessaires au financement des travaux.

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Le faste, c’est aussi le grand porche (1606-1617) pratiquement aussi haut que l’église. Les petites saynètes entourant l’arche centrale, la double haie des Apôtres sont repris aux modèles gothiques (Pencran, Landivisiau). Mais Guimiliau les enchâsse dans une décoration Renaissance (colonnes, frontons, lanternons…) portée ici à un très haut niveau de qualité, grâce à l’emploi quasi-intégral du kersanton et au talent de deux maîtres : l’auteur (anonyme) du calvaire de Plougastel-Daoulas puis Roland Doré. Adossé au porche, l’ossuaire primitif ; un second, doté d’une chaire extérieure, est venu le doubler au coin de l’enclos (1648).

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Le faste, c’est encore la luxueuse sacristie circulaire (1683). Et c’est enfin l’exceptionnelle qualité du mobilier de l’église, qui peine parfois à se loger sous le lambris : fonts baptismaux, buffet et tribune d’orgue, chaire et retables. La finesse de la sculpture, l’éclat des couleurs, les sonorités de l’orgue baroque parlent d’une Bretagne à son zénith au début du règne de Louis XIV : un roi que Guimiliau célèbre sous les traits de saint Louis ou d’Alexandre.

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Lampaul-Guimiliau : le riche enclos des tanneurs. « Paotred Lampaol Kivijerien », dit la chanson : « les gars de Lampaul, des tanneurs ». Pas moins de 146 tanneries étaient recensées ici vers 1780 ! Autant que la toile, les bénéfices de cette activité aident à comprendre l’ampleur de cet enclos et l’exceptionnel éclat de sa parure intérieure.

trois enclos paroissiaux remarquables
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Lampaul n’est pourtant, jusqu’à la Révolution, qu’une trève de Guililiau : on dit aussi, à l’époque, une « fillette ». Mais une fillette richissime et soucieuse de se distinguer de la paroisse-mère : saint Miliau y compte moins que saint Paul Aurélien, premier évêque de Léon et patron de l’église. Parmi toutes les statues qui le représentent, tenant dans son étole le dragon de l’Ile-de-Batz, celle du porche est éloquente : le sculpteur lui fait l’honneur d’un décor Renaissance alors que le reste du porche est gothique (1533). Mais l’affirmation de la trève passe surtout par le grand clocher, qui fut un géant (75 m, presque autant que le Kreisker de Saint-Pol) avant d’être découronné par la foudre en 1812.

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Dans un tel environnement, le calvaire peut rester modeste : la porte triomphale en possède un second, au-dessus d’une arche unique qui résume Berven et Sizun. A ses côtés, l’ossuaire atteint le classicisme par la pureté de ses lignes, de ses colonnes et de ses niches décoratives (1667). Mais son grand mérite est de renouveler, le premier sans doute, le concept même du bâtiment : ce qui n’était au départ qu’un sommaire entrepôt d’ossements devient ici une somptueuse chapelle où l’on dit des messes pour les défunts. Le chevet à pignons abrite un autel, au-dessus d’une crypte conçue initialement pour un groupe sculpté de la Mise au tombeau. Cette œuvre très émouvante, sculptée dans le tuffeau par un sculpteur de la Marine de Brest (1676) orne aujourd’hui l’église, au côté de six retables (dont celui de la Passion avec plus de 80 personnages), une chaire, un buffet d’orgue, un baptistère, une poutre de gloire, une pietà d’exception et deux bannières (1667, 1634) comptant parmi les plus anciennes de Bretagne !

trois enclos paroissiaux remarquables
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commentaires

L
Bien que je sois athée, j'aime visiter le patrimoine religieux (entre autres) de toutes les régions et pays (de toutes religions) ... Tranquillité, "spiritualité laïque" ... Zénitude et surtout, beauté !
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D
attitude tout à fait respectable, comme toi, je me demande ce qui motive le génie humain à confectionner de telles œuvres d'art en honneur d'une religion, quelle qu'elle soit.
D
merci Claire-Cerise, je sais que tu es experte pour apprécier les blogs et ton commentaire me touche encore plus. Locmélar mérite largement de s'y arrêter. Randonner à vélo permet de voire trois fois plus de sites d'intérêt culturel qu'à pied.
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C
Bonsoir Didier, tes photos sont superbes et ton article aussi ! Ce sont des monuments très riches en sculpture.. il y aurait de quoi rester plusieurs jours pour tout voir et tout contempler. Le premier village, nous l'avons découvert il y a 2/3 ans alors que fifille travaillait encore dans l'Immobilier. Il y avait là une belle maison à vendre dans un cadre magnifique. C'est un village qui ne se trouve pas sur un grand axe routier, c'est ce qui fait son charme. Merci pour ce bel exposé Didier et Bizh ! (j'ai vu que tu es sur FB :+)))
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