1 - Cherbourg – Brest en un jour et une nuit - Le voyage de Napoléon III et de l’Impératrice Eugénie en Bretagne se déroule du 9 au 20 août 1858. Après une rencontre avec la reine Victoria à Cherbourg, le yacht impérial et son cortège, onze navires, gagnent Brest en un jour et une nuit, ils entrent en rade le matin du 9 août.
Du 9 au 11 août 1858 à Brest - Après trois jours à Brest, le tour de Bretagne se poursuivra par Quimper, Lorient, Vannes, Sainte-Anne d’Auray puis Saint-Brieuc. Le couple impérial repartira par le train de Rennes.
2 - Arlette Roudaut, professeure agrégée d’histoire à la retraite. Née en 1942 à Toulon, elle s’installe à Brest en 1974. Après avoir dirigé le service éducatif des Archives de Brest, elle occupe le poste de directrice du site brestois de l’IUFM de Bretagne de 1992 à 2001. Elle donne aujourd’hui des conférences à l’Université du Temps Libre. Elle écrit de articles sur l’histoire du Canot de l’Empereur.
Le voyage de Napoléon III à Brest, en 1858, sera décisif pour l’essor de la ville. L’historienne Arlette Roudaut raconte dans un livre richement illustré les grandes transformations qui se dessinent.
« Je connais bien les fonds brestois. On est dans une ville très riche, entre le Musée de la Marine, les archives de la Marine, les archives municipales, le Musée des Beaux-Arts… Il existe aussi un autre fonds extraordinaire, le Musée de Bretagne (aux Champs Libres à Rennes). Quand j’ai vu qu’il y avait cette masse de documents magnifiques, j’ai proposé à l’Université du Temps Libre de Bretagne de faire une publication brestoise sur le voyage de Napoléon III en Bretagne, autrement cela aurait été un peu "noyé". Car l’organisation de l’espace brestois date de cette époque-là : la nouvelle ville, le port… C’est vraiment important ! ».
3 - Pourquoi L’Empereur vient-il douze jours en Bretagne ? - « Il ne connaissait pas la France, il se déplaçait beaucoup. C’est une communication très moderne : les bains de foule, les photographes, les discours, les troupes qu’on passe en revue… Il veut être vu ! Et la Bretagne posait un petit problème, on n’y avait pas voté pour lui de façon aussi importante que dans les autres régions françaises. C’était une région à conquérir. Mais pas Brest, puisque Brest n’était pas une ville bretonne ! Quel est donc l’objectif pour Brest ?
Après la guerre de Crimée, l’objectif est d’inspecter l’arsenal et les régiments qui sont ici. L’arsenal n’était pas assez moderne. Les formes de Pontaniou n’étaient pas du tout adaptées aux nouveaux bateaux avec des cuirasses en fer et des hélices… Il fallait refaire les quais. C’est la révolution industrielle. Le port a besoin d’être restructuré. Pour la Marine française, qui était la mieux équipée au monde, les objectifs militaires sont forts ».
Le programme est intense ces trois jours… « Tout était hyper organisé. L’Impératrice Eugénie était là avec le Prince Impérial. Le premier jour, ce sont des rencontres avec les autorités militaires, le maire et l’évêque. Le deuxième jour est entièrement consacré à la Marine : il va visiter les installations, aller jusqu’au fond de la Penfeld où il y avait des hauts fourneaux, il va visiter des bateaux et faire un tour dans la rade pour voir où l’on pourrait faire un port de commerce. Le troisième jour, il va plus loin dans la rade, jusqu’à Landévennec. Depuis François 1er, aucun souverain n’était venu ».
4 - Qu’est-ce qui se décide concrètement à ce moment-là ? - « Le plus visible, c’est le grand pont à Recouvrance qui est en construction. L’emplacement exact du port de commerce sera décidé un peu plus tard. Et le train : dans son premier tracé, il arrivait à Châteaulin.
Les grandes villes de la côte nord ont plaidé. Et ce qui l’a emporté, c’est de suivre le télégraphe électrique. L’Annexion : la ville nouvelle qui a été prise sur Lambézellec s’est faite en 1861, quand on a pris la décision de savoir où mettre la gare (pour le maire, c’était impossible de mettre la gare à Lambézellec, il fallait qu’elle soit à Brest !). La place Keruscun a été construite pour les ingénieurs anglais qui venaient construire la gare ».
Ces trois jours sont ultra-déterminants pour l’histoire de Brest… - « Complètement ! Il y avait des décisions à prendre, il les a prises. Et il a su écouter, les hommes politiques et les militaires. Il a écouté les Brestois.
Il a créé aussi Poul ar Bachet pour les enfants des rues, l’École des Mousses, l’École pour les orphelins de la Marine… Il y a eu beaucoup de choses comme ça, dans un idéal de charité et de fraternité. Il a bénéficié d’un boom économique, il y avait de l’argent ! Napoléon III a donné les moyens et, il faut être honnête aussi, il y a de grands marins, les gens qui ont piloté l’arsenal, qui ont été très compétents ».
5 - Quid du canot de l’Empereur durant ce voyage ? - « Ce canot d’apparat est utilisé sans arrêt pendant le voyage. Il est tiré par un petit bateau à vapeur. Cela a été immortalisé par ce tableau d’Auguste Mayer, qui va venir en principe à Brest… J’ai eu l’autorisation de mettre ce tableau en couverture du livre par le Musée de la Marine à Paris. J’ai travaillé en bonne intelligence avec les gens d’ici, que ce soit le Musée de la Marine, ou ailleurs, ils ont vraiment donné un coup de main. Il y a un bon esprit à Brest. Quand il s’agit de Brest, tout le monde tire dans le même sens ! ».
Le 20 février 2020, le Canot de l’Empereur, joyau du patrimoine national et local, sera posé sur son socle définitif, au cœur des Ateliers des Capucins. L’opération, qui doit durer un mois, a été confiée à une entreprise spécialisée.
6 - Le Canot de l’Empereur, œuvre phare du musée national de la Marine, va prendre ses quartiers aux Ateliers des Capucins. Il sera visible sur son socle le 20 février. Au préalable, l’équipe technique de Bovis, composée de six personnes, lèvera le voile sur ce joyau en enlevant la bâche et les contreplaqués du caisson protecteur. Et ce, dès le 22 janvier. Le lendemain, le Canot sera déplacé, dans son caisson métallique ajouré, après l’installation de vérins hydrauliques sous le châssis. Il sera ensuite tracté ou poussé à l’aide d’un chariot élévateur, notamment pour l’aider à franchir un passage délicat entre deux arcades des Ateliers. Pour la mise en place du Canot sur son socle définitif, le toit et les quatre côtés du caisson métallique seront retirés. Le socle sera, quant à lui, renforcé. L’installation définitive sera effectuée à l’aide de deux bras de grue, situés de part et d’autre du socle pour un levage simultané. Le socle métallique sera ensuite démonté, et ce sera au tour de l’entreprise Britton de régler les bers définitifs. Une véritable opération millimétrée.
7 - Pièce maîtresse des Capucins - Construite dans le plus grand secret, à Anvers, pour Napoléon Ier, l’embarcation avait trouvé refuge à Brest après 1814. Ornée dans les ateliers Collet pour la visite de Napoléon III en 1858, elle avait été évacuée par l’occupant en 1943 avant de devenir une œuvre phare du musée de la Marine à Paris. En octobre 2018, le Canot était finalement rendu à Brest, plus de 75 ans après avoir quitté son port d’attache. Trait d’union entre le Palais de Chaillot de Paris, le musée de la Marine à Brest, les Ateliers des Capucins et l’Histoire de la ville, ce joyau du patrimoine viendra se poser en majesté sur la place des machines, qui fait face à l’entrée de 70.8.
En partie basse, le public découvrira une médiation pédagogique à la hauteur du rôle qu’il joua dans l’Histoire. Un jeu de miroirs démesuré permettra à la fois de refléter cette coque, symbole de l’âge d’or de la construction navale en bois, et de rendre accessible visuellement l’intérieur du navire. Ce nouvel écrin, pensé par la collectivité, Brest Métropole aménagement et le musée national de la Marine, en fera une pièce maîtresse des Ateliers des Capucins.
8 - Le canot de l’Empereur se dévoile aux Capucins de Brest - Arrivé du musée de la Marine de Paris il y a quinze mois, le canot de l’Empereur a enfin pris l’air, dans la salle des machines des Capucins, à Brest, où il sera dorénavant exposé. La bâche et les pans de bois qui lui ont permis de s’acclimater progressivement à l’hygrométrie de la pointe bretonne ont été retirés, mercredi. Il reste sur son support de transport et il faudra attendre le 5 février pour le voir sur son ber sur mesures, avant qu’il ne rentre pour deux mois de travaux de restauration. Le joyau construit sous Napoléon 1er devrait être présenté sur son socle définitif avant les fêtes maritimes programmées du 10 au 16 juillet à Brest. Une opération nationale de mécénat est envisagée pour financer ces travaux.
Il était resté dans sa boîte depuis octobre 2018. Le canot de l’empereur, ancien joyau du Musée de la Marine à Paris, sera hissé aux Capucins, sur son socle définitif, le 5 février. Les Allemands l’avaient mis à l’abri des bombes, à Paris, par le train, en 1943. Installé à l’entrée du Musée de la Marine, le canot d’apparat était l’une des pièces fortes du musée parisien. 75 ans plus tard, en octobre 2018, il refaisait le chemin inverse, par la route, pour rejoindre la magistrale salle des machines des Capucins. Avant de le manipuler et de le restaurer, une période d’acclimatation d’au moins trois mois était exigée sur son support de transport. Période incompressible pour que le bois retrouve la fameuse hygrométrie brestoise (on n’a pas dit humidité !). Mais un an après son arrivée, le canot ne sortait toujours pas de sa boîte. L’opération s’avérait plus compliquée que prévu.
9 - « On recense dans le monde une trentaine de canots d’apparat et seulement une dizaine de ce format (18 m) » résume Jean-Yves Besselièvre, l’administrateur du Musée de la Marine, à Brest, qui a bien travaillé le sujet. Construit à Anvers en 1810 (en trois petites semaines !), sous Napoléon Ier, il arrive à Brest en 1814. Napoléon III l’utilise trois jours pour sa revue de la flotte et des troupes en 1858. Une traversée de la rade, avec un navire à vapeur qui le tracte, est organisée en grande pompe. Puis le canot rejoint les rives de la Penfeld pour de rares sorties. Il sert par exemple au Triomphe de l’École navale, en 1922, avant de repartir par le train, en 1943. Sauvé des bombes par les Allemands ! Parmi les canots d’apparat, il fait partie des plus imposants encore en état. Mais contrairement à celui de la reine d’Angleterre (le Gloriana, récemment construit) le canot brestois ne touchera plus l’eau. Pièce de musée à Paris, pièce de musée il restera à Brest.